Comme le port du chapeau, le rouge à lèvres revient sur le devant de la scène à chaque crise, comme une sorte de talisman ou de protection que l’on porte sur soi – et à la vue de tous. Avec le port du masque généralisé et la diminution des sorties (télétravail et fermetures des magasins et restaurants dans la majorité des pays européens), ce geste beauté semble avoir été abandonné au profit du maquillage des yeux, toujours visibles, eux.
Se colorer les lèvres avec un bâton de cire pigmentée est le plus ancien et le plus universel des gestes de beauté des femmes et ce, depuis l’Antiquité. Article jugé abordable, le bâton de rouge à lèvres permet aux clients qui le souhaitent de s’offrir une marque prestigieuse. Pour les marques françaises, ce sont plus de 8,1 tonnes à l’exportation en 2019, dont Dior et Chanel. Alors que l’année 2019 avait vu exploser les records de vente de lipsticks, Hermès s’était lancé en mars 2020 en proposant une vingtaine de tubes, rechargeables. La maison Gucci avait sorti sa gamme de make-up quelques mois plus tôt.
Indice rouge à lèvres
Au début des années 2000, Charles Lauder, président du conseil d’administration d’Estée Lauder, a mis au point l’indice rouge à lèvres. Ce concept établit une corrélation inverse entre le niveau d’activité économique et les chiffres des ventes de rouges à lèvres. Cela a notamment été observé lors de la Grande Dépression de 1929 et a ainsi confirmé sa thèse, qui ne semble plus se vérifier aujourd’hui.
En effet, les achats de maquillage étaient stables avant le confinement. Ils se sont ensuite fortement effondrés entre mars et mai. En France, après avoir chuté de 75% durant le confinement, les ventes de rouge à lèvres ont continué leur baisse de -26,4%, depuis le déconfinement. En Suisse, le chiffre d’affaires total de la vente de rouge à lèvres a baissé de 40% entre 2019 et 2020 selon les chiffres fournis par le Panel Nielsen Prestige, leader de la branche.
Les grands groupes ne sont pas épargnés. La division maquillage de L’Oréal affiche un recul à deux chiffres en raison de la crise du Covid-19. Les mesures de protection sanitaire ont fortement impacté le marché du maquillage. Selon son rapport d’activité 2020, le groupe a gagné des parts de marché significatives dans les catégories du soin du cheveu, de la coloration et du soin de la peau.
Pour LVMH, les ventes de parfums et cosmétiques ont diminué de -23% en 2020. LVMH remarque, par exemple, que Benefit a été pénalisé par l’arrêt des services et conseils en boutiques (bars à sourcils). Toutefois, aussi bien Kering que LVMH ou des marques plus populaires déclarent avoir profité du boom du e-commerce, qui a permis d’assurer un chiffre d’affaires en hausse, à la fin de l’année 2020.
Quels sont les cosmétiques qui s’en sortent?
MAC a annoncé que leur crayon à lèvres « Spice » rose cannelle s’est vendu mille fois par jour en 2020, soit huit fois par heure. Le succès s’explique par le fait qu’il est facile à porter et à mettre, tout en convenant à la plupart des carnations.
«Clairement, en raison du port du masque, les produits long-lasting, no transfer, water/sweat proof (résistant à l’eau et la transpiration) rencontrent un vif intérêt», indique, de son côté, Make Up for Ever. Pour Essie, la gamme Express, qui garanti un séchage ultra-rapide, a été la plus sollicitée.
Pour contrer cette tendance de baisse des ventes, les magasins rivalisent d’inventivité pour proposer de nouvelles marques et ainsi gagner quelques clientes. Manor, par exemple, commercialise les produits colorés, pop et vegan de 3ina, enseigne espagnole produite en Europe et non testée sur les animaux. De son côté, Zalando multiplie les pop-up store virtuels, notamment avec Charlotte Tilbury.